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Le juge Clément Samson de la Cour supérieure a tranché, et sa décision est claire. Les arguments de Me Guy Bertrand ne justifient pas l’abandon du projet de transports en commun à Québec ni la tenue d’un référendum.
«Bref, rien dans le recours des demandeurs ne pose obstacle au projet de tramway», écrit le juge Samson dans un jugement de 85 pages rendu public mardi.
Même avec un jugement sans équivoque, les opposants au tramway ne lâchent pas le morceau. «Il faut être prudent. C’est un premier jugement. Si on veut établir les grands principes de la démocratie, il faut se rendre en cour suprême», lâche Me Bertrand, en réaction au jugement.
L’avocat maintient que le projet a été approuvé dans une toile de mensonges et de fausses promesses. Lui et les membres de Québec mérite mieux ont réagit mardi après-midi à leur défaite.
«Il est dur d’échouer, mais ce qui est pire c’est de ne jamais tenter d’essayer de réussir. Ce projet est légal, mais il est illégitime. Ce projet est déraisonnable. La population est majoritairement contre ce projet. Il ne faut pas l’oublier», insiste Me Bertrand.
Il respecte le jugement de juge Samson, mais il n’est pas d’accord. Me Bertrand croit que le jugement manque de nuances, il aurait espéré que Clément Samson s’attaque à la légitimité des politiciens qui se font élire sous de fausses promesses.
«Je les comprends [les arguments], mais ça ne me convainc pas. […] C’est terrible ce qu’on a fait. Un projet imposé à la population et la population doit commencer à se révolter devant ces mensonges», martèle l’avocat.
Le mot «mensonge» revient souvent dans le discours de Me Bertrand, comme il était au centre de ses plaidoiries, en décembre.
Projet illégitime
Les opposants prétendaient que le mégaprojet était illégal, destructeur pour les milieux de vie et plein de conséquences pour les citoyens de Québec. Ils dénonçaient le manque de consultation et de considération pour la population.
Les experts appelés à témoigner pour Me Bertrand ont indiqué à la cour que d’autres options de transport n’avaient pas été considérées. Selon les demandeurs, le projet de tramway est né à l’intérieur d’un complot entre Régis Labeaume et le gouvernement du Québec, auquel participe le maire actuel Bruno Marchand.
Me Bertrand demandait la tenue d’un référendum et exigeait que les conclusions du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) soient écoutées.
La Ville de Québec, elle, balayait de la main les expertises présentées par Me Bertrand. Elle défendait la légalité du projet, comme il a été accepté par l’Assemblée nationale.
La Ville et le gouvernement ont démenti l’existence d’un complot et ont rappelé que la cour ne pouvait pas prendre de décision «politique» concernant un projet d’infrastructures. Ils insistent : le BAPE existe pour émettre des suggestions, pas pour décider du sort d’un projet.
Après avoir épluché des milliers de fichiers déposés en preuves et des dizaines de déclarations sous serment, le juge Samson a rendu son jugement mardi, quelques semaines après le procès de quatre jours tenu au début du mois de décembre. Il a travaillé en deuxième vitesse étant donné «l’urgence» du dossier, comme promis.
Arguments rejetés
Le juge de la Cour supérieure a donc rejeté tous les arguments de Me Bertrand et du groupe Québec mérite mieux, donnant raison sur toute la ligne à la Ville de Québec, aux gouvernements provincial et fédéral.
«Le Conseil des ministres avait le pouvoir de se prononcer sur le projet de tramway de Québec au sens des dispositions de la Loi sur la qualité de l’environnement», écrit le juge Samson, ce qui rend le décret légal.
«Le Conseil des ministres possède la discrétion politique pour adopter une telle décision, y compris même de ne pas être lié par les conclusions du rapport du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement. La preuve, plus que nécessaire au sens de la jurisprudence, a démontré le sérieux du gouvernement du Québec dans l’analyse du dossier du tramway», ajoute-t-il.
La tenue d’un référendum n’est pas obligatoire, comme aucune loi ne l’impose, conclut le juge.
Les opposants au tramway demandaient aussi des dommages et intérêts pour les conséquences subies, demande qui a également été rejetée puisqu’ils n’ont pas prouvé l’existence d’une atteinte quelconque à leurs droits fondamentaux.
Aucun manquement légal n’a été remarqué dans les démarches des différents gouvernements impliqués. Concernant la question politique, «les tribunaux n’ont aucun pouvoir pour intervenir en regard du manquement à des engagements électoraux».
La suite
Les demandeurs ont trente jours pour décider s’ils portent la décision en appel. Le porte-parole du groupe, Donald Charrette, se laisse le temps d’y penser. L’appel n’est pas écarté. Si cette voie est empruntée, Me Bertrand répondra présent. Il estime que la cause mérite «d’aller jusqu’en haut».
Malheureusement, le temps joue contre eux, comme le tramway traversera différentes étapes décisives dans les prochains mois. «Le projet avance a une vitesse qui va nous étrangler», laisse tomber l’avocat.
Seulement le dépôt en appel pourrait coûter 50 000$, sans même les frais d’avocats, estime Me Dominique Bertrand.
Jusqu’à maintenant, le groupe Québec mérite mieux a amassé 300 000 $. Il n’aurait pas de dettes, indique Donald Charrette. Lui et les autres demandeurs se veulent clairs : le groupe est là pour rester et le jugement du juge Samson ne change pas leur opinion. Ils croient tous que le projet de tramway n’est pas le bon, qu’il gâchera l’environnement de Québec et nuira aux travailleurs.
En fin de point de presse, Me Bertrand s’est adressé à François Legault en le sommant de freiner le projet. C’est le premier ministre qui aurait le dernier mot et le pouvoir d’arrêter «les supercheries» de la Ville de Québec. «Il faut réfléchir avant de continuer de se faire brasser par un maire.»
L’avocat n’a été tendre avec le maire Bruno Marchand, en le qualifiant de «bonimenteur, mais excellent communicateur». Selon lui, le maire comme son prédécesseur Régis Labeaume font de la «dictature molle».
«Ils pensent savoir plus que le peuple parce qu’ils sont élus», laisse tomber Me Bertrand, habité d’un sentiment de révolte.
Il maintient que ses experts ont raison, puis qu’il aurait fallu écouter le BAPE, formé de «réels professionnels», qui ne recommandait pas le projet de tramway pour Québec.
Me Bertrand est catégorique : il continuera de croire en sa cause jusqu’à «ses derniers jours». Selon lui, les politiciens qui mentent, de sorte que le vote de la population ne se fait pas en «connaissance de cause», devraient être sanctionnés. Et seule la Cour suprême pourrait vraiment se prononcer sur cette question.