L’Angleterre n’ayant alors pas encore adopté le calendrier grégorien, la date de naissance d’Isaac Newton est enregistrée en date du 25 décembre 1642N 1, au Manoir de Woolsthorpe près de Grantham, dans le Lincolnshire en Angleterre, de parents fermiers4. Sa venue au monde est mouvementée : il naît trois mois après la mort de son pèreN 2, Isaac Newton père, et de façon prématurée. Plus tard, sa mère lui racontera que personne ne pensait qu’il puisse survivre. Sa constitution est si fragile qu’il aurait tenu, disait-elle, « dans un cruchon ». De ses premières années, on ne sait presque rien, en dehors de quelques données rapportées par Newton lui-même.

Le bonheur de Newton ne dure pas longtemps : il a trois ans lorsque sa mère, Hannah Ayscough se remarie avec Barnabas Smith, pasteur — âgé de 63 ans et économiquement aisé — du village voisin de North Witham. Un conflit survient quand sa mère déménage avec son époux à North Witham. Comme Barnabas ne veut pas s’occuper d’Isaac, celui-ci est laissé à la garde de ses grands-parents maternels, dont la famille, peuplée de gens d’Église et d’universitaires, sera chargée de sa formation. Mais cette séparation suscite en lui un fort sentiment « (d’)angoisse, d’agressivité et de peur »5 qui fait de lui un égocentrique précoce. Chaque fois que quelqu’un tentera de lui enlever ce qu’il estime être son bien, il répliquera avec une violence démesurée. Même s’il peut compter sur des oncles, tantes et cousins qui vivent dans les environs, il souffre de son enfance solitaire et cette souffrance contribue à son isolement. À cinq ans, il fréquente les écoles primaires de Skillington et de Stoke.
Il a dix ans lorsque meurt son beau-père Barnabas. Sa mère revient à la maison familiale de Woolsthorpe avec les trois enfants qu’elle a eus du pasteur. Hélas, le bonheur de retrouver sa mère est de courte durée : un an plus tard — il a douze ans — Newton est envoyé à l’école primaire de Grantham (à onze kilomètres de sa maison natale). Il ne prend pas sa scolarité très au sérieux — il est toujours assis au fond de la classe — jusqu’au jour où, en sortant du collège, il se bat avec un camarade deux fois plus grand et le terrasse. Non content de l’avoir mis à terre, il veut aussi le dominer intellectuellement et, à partir de ce moment, il n’a de cesse d’occuper la place de premier de la classe. Cette anecdote révèle un trait crucial de son caractère : le désir de l’emporter sur ses rivaux qu’il considère comme inférieurs. Il est logé chez le pharmacien Clark —
dont l’épouse est une amie de sa mère — et il profite de la bibliothèque bien fournie en ouvrages scientifiques pour s’initier aux rudiments de la « philosophie naturelle » (la physique). Le dessin est aussi son autre passion, comme le montrent les murs de la maison du pharmacien Clark, ornés de portraits d’animaux, de fleurs et de figures géométriques. Dans cette demeure, il y a aussi des cadrans solaires pour lesquels Newton affiche une véritable dévotion. Il reste quatre années au collège de Grantham jusqu’à ce que sa mère le rappelle à Woolsthorpe pour qu’il devienne fermier et qu’il apprenne à administrer son domaine.
Fort heureusement, plusieurs personnes de son entourage s’aperçoivent que Newton n’est pas fait pour les travaux des champs et décèlent ses dons scientifiques. William Ayscough, le frère de sa mère, insiste pour qu’il continue ses études et aille, plus tard, à l’université. Son allié principal est le frère de Madame Clark, le pasteur Humphrey Babington — qui finit par nouer une étroite amitié avec Newton — et enfin, son maître d’école à Grantham, nommé Stokes, qui offre de payer lui-même les frais scolaires et d’accueillir le jeune Newton chez lui jusqu’à la fin de sa formation. Un an plus tard, sa mère accepte que son fils reprenne ses études. Après avoir achevé sa formation scolaire, Newton s’inscrit à l’université6.
À dix-sept ans, Newton tombe amoureux d’une camarade de classe, mademoiselle Storey. On l’autorise à la fréquenter et même à se fiancer avec elle, mais il doit terminer ses études avant de se marier. Finalement, le mariage ne se fait pas, il restera vierge et célibataire toute sa vie7.
À Cambridge
L’étudiant et le chercheur
Newton arrive à Cambridge le 4 juin 1661 et le lendemain, il entre au Trinity College, institution à laquelle il restera lié pendant les quarante années suivantes. Le choix de Trinity, considéré comme le meilleur, repose sur plusieurs motifs : d’une part William Ayscough y a étudié, d’autre part, Humphrey Babington y exerce comme fellowN 3. Newton y est inscrit comme subsizarN 4. Son statut universitaire l’oblige à partager sa chambre avec un autre étudiant, John Wickins, qui fera preuve de sollicitude et d’entraide, l’aidant à réaliser ses expériences et à rédiger ses comptes-rendus de recherche.
Correction
Oupsi
Il commence par préparer sa licence ès arts libéraux. À cette époque, l’université reste ancrée dans un programme d’études fondé sur les humanités médiévales, auxquelles Newton ne s’intéresse pas beaucoupN 5. D’après ses carnets, on sait qu’il n’achevait pas ses lectures obligatoires et qu’il en commençait d’autres, nettement plus contemporaines. Les références aux auteurs plus modernes abondent dans ses carnetsN 6, tels Descartes, Galilée, Robert Boyle, Henry MoreN 7, Hobbes et Gassendi. Même si le programme universitaire souffre d’archaïsme, les derniers livres scientifiques en date sont disponibles, si bien que Newton peut consulter les dernières parutions. Newton se comporte en autodidacte dévorant tout ce qui lui tombe sous la main ; il approfondit ce qui attire son attention et reproduit un certain nombre d’expériences. À Cambridge, dans le cadre des mathématiques, on dispense le quadrivium comprenant l’arithmétique de Girolamo Cardano, la géométrie d’Euclide, l’astronomie de Ptolémée et enfin la musique. En 1663 et 1664, Newton découvre les mathématiques dans Miscelanea de Schooten, la Geometria de Descartes, les Clavis mathematica de William Oughtred et les travaux de John Wallis. En 1663 est créée à Cambridge la chaire lucasienne dont le premier titulaire est Isaac Barrow, son maître de mathématiques, et il est possible que Newton ait assisté à ses conférences, ce qui lui a ouvert de nouveaux horizons, insoupçonnés jusqu’alors. En un peu plus d’un an, Newton a été capable d’assimiler par lui-même tous les fondements de l’analyse élaborés au xviie siècle. À partir de là, il suit son propre chemin qui doit le mener à la découverte du calcul infinitésimal. En 1664, il écrit dans Quelques questions philosophiques : « Platon est mon ami, Aristote est mon ami, mais ma meilleure amie est la vérité. » À cette époque, la priorité de Newton est de continuer ses
études indéfiniment, seule façon de combler sa soif de connaissances. Il choisit Isaac Barrow comme examinateur et, le 28 avril 1664, décroche une bourse (scolarship) qui lui octroie un salaire fixe en plus des frais de subsistance et lui garantit quatre années d’études supplémentaires, jusqu’à la fin de sa licence ès arts libéraux. En janvier 1665, il obtient un titre de bachelier ès arts et envisage de préparer la maîtrise. Cette année-là, l’Angleterre subit une épidémie de peste noire,
[ Il fait froid à Sherbrooke ]
si bien que l’université ferme ses portes à l’été 1665 et renvoie les étudiants chez eux. Newton part pour Woolsthorpe, c’est là qu’il progresse fortement en mathématiques, physique et surtout optique. Lorsqu’il en revient, il a fortement révolutionné la science de l’époque8.
«Quelque chose de Obama»